Matrices et applications linéaires

Sommaire

Introduction
Représentation d’une application linéaire
Les matrices de passage
Calculs avec les matrices de passage
Exercices

Introduction

Dans ce chapitre nous allons parler du lien entre matrices et applications linéaires.
Pour bien comprendre, il faut que tu aies lu le chapitre sur les espaces vectoriels et les applications linéaires, sinon tu risques de ne pas comprendre le vocabulaire employé.
Ce cours est simplifié au maximum pour que tu puisses comprendre et réaliser les exercices.

Représentation d’une application linéaire

Une matrice peut être vue comme la représentation, sous forme d’un « tableau », d’une application linéaire.

Chaque colonne de la matrice représente l’image de chaque vecteur de la base de départ dans la base d’arrivée

Avec un exemple ce sera beaucoup plus compréhensible :
soit f une application linéaire de E dans F (E et F sont des espaces vectoriels).
Soit B = (e1, e2, e3) une base de E et B’ = (e’1, e’2) une base de F, telles que :
f(e1) = 3e’1 + 4e’2
f(e2) = -8e’1 + 5e’2
f(e3) = 7e’1 – 2e’2

La matrice A, relativement aux bases B et B’, notée MatB, B’(f) est :

\Huge  A = Mat_{B, B'}(f) = \begin{pmatrix} 3 & -8 & 7 \\ 4 & 5 & -2 \end{pmatrix}

Comme tu le vois, chaque colonne correspond aux coordonnées de f(e1), f(e2) et f(e3), c’est-à-dire les images des vecteurs de la base de l’espace de départ.

On peut alors faire le schéma suivant :


Remarque : pour les applications, comme f, la notation respecte l’ordre des bases.
La matrice A, relativement aux bases B et B’, est notée MatB, B’(f).
Nous verrons que pour les matrices de passage l’ordre est inversé…

Cette matrice A définit entièrement l’application f.
En effet, une application est entièrement définie si on connaît l’image de tous les vecteurs de l’espace de départ.
Vérifions que c’est bien le cas dans l’exemple précédent.
Soit x ∈ E. Comme B est une base de E, on peut décomposer x de manière unique dans cette base : il existe a1, a2 et a3 tels que :

Appliquons f :

Comme f est linéaire :

Pour connaître f(x) il suffit donc de connaître f(e1), f(e2) et f(e3), qui sont définis dans la matrice. La matrice suffit donc à connaître l’application f.

L’égalité y = f(x) peut se traduire sous forme matricielle par Y = AX, où Y est le vecteur colonne reprenant les coordonnées de y dans la base B’, X est le vecteur colonne des coordonnées de x dans la base B, et A la matrice de f relativement aux bases B et B’.


Remarque : si l’espace vectoriel de départ est le même que l’espace d’arrivée (et donc même base de départ et d’arrivée), on pourra écrire MatB(f) à la place de MatB, B(f).

Voyons un exemple d’application concret.
On se place dans l’espace E = K3[X], l’ensemble des polynômes de degré inférieure ou égal à 3.
On prend la base canonique de E : (1, X, X2, X3), et on définit l’application f par :

\Huge \, \, \, \, E \to E \\  f : P \mapsto 2P' - P

Pour trouver la matrice de f dans la base B, il faut calculer l’image de chaque vecteur de la base : f(1), f(X), f(X2) et f(X3) :
f(1) = 2 x 0 – 1 = -1
f(X) = 2 x 1 – X = 2 – X
f(X2) = 2 x 2X – X2 = 4X – X2
f(X3) = 2 x 3X2 – X3 = 6X2 – X3

Ainsi, la matrice de f dans la base B est :

\Huge  \begin{pmatrix} -1 & 2 & 0 & 0 \\ 0 & -1 & 4 & 0 \\ 0 & 0 & -1 & 6 \\ 0 & 0 & 0 & -1 \end{pmatrix}

Les matrices de passage

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Une matrice de passage, souvent notée P (comme Passage), est une matrice qui détermine comment passer d’une base d’un espace à une autre base du même espace.
Notons B l’ancienne base et B’ la nouvelle base.
Prenons par exemple un espace de dimension, et posons :
B = (e1, e2, e3) et B’ = (e’1, e’2, e’3)

De la même manière que ce que l’on a vu ci-dessus, chaque colonne représentera les coordonnées d’un nouveau vecteur dans l’ancienne base :

On complète ensuite par colonne par rapport à ce qui est donné dans l’énoncé.

Exemple : supposons que l’ont ait :
e’1 = 7e1 + e2 – 4e3
e’2 = 8e1 – 2e2 + 9e3
e’3 = -3e1 + 6e2 + 5e3

On a alors la matrice :

\Huge  \begin{pmatrix} 7 & 8 & -3 \\ 1 & -2 & 6\\ -4 & 9 & 5 \end{pmatrix}

Comme tu le vois rien de compliqué !

La matrice de passage possède quelques particularités que tu dois connaître.
Tout d’abord, de par sa définition, P correspond à la matrice de l’application identité (Id) de la base B’ dans la base B.
En effet, comme Id(e’i) = e’i pour tout i, on peut faire le parallèle avec ce que l’on a vu sur les applications linéaires en début de chapitre :

P est est donc bien la matrice de l’application identité en partant de la base B’ pour arriver dans la base B :


ATTENTION !! Contrairement aux matrices des applications linéaires vues plus hauts, l’ordre dans la notation est inversé : P est la matrice de passage de B dans B’ MAIS elle est notée MatB’,B(Id)…

Par ailleurs, comme B et B’ sont des bases d’un même espace, elles ont même dimension, donc P est nécessairement une matrice carrée de taille n, avec n la dimension de l’espace considéré.

De plus, on a dit que P était la matrice de passage de B dans B’.
Mais si on veut la matrice de passage de B’ dans B… on fait tout simplement P -1 !
Et cette matrice existe tout le temps, P est nécessairement inversible car si on a 2 bases, on peut toujours passer de l’une à l’autre.


Une matrice de passage P est toujours inversible et si P est la matrice de passage de B dans B’, alors P -1 est la matrice de passage de B’ dans B.

On peut aussi multiplier les matrices de passage. Cela va donner une autre matrice de passage d’une base à une autre.
Pour savoir laquelle, le principe ressemble plus ou moins au principe de Chasles mais avec un piège !

Supposons que l’on ait 3 bases B1, B2 et B3, ainsi que P1 matrice de passage de B1 dans B2, et P2 matrice de passage de B2 dans B3 :


Si je fais P1 x P2, j’obtiens la matrice de passage… de B1 dans B3 ! En effet :

On retrouve une « sorte » de principe de Chasles mais : (B2;B1)(B3;B2) → (B3;B1) (attention cette notation est à faire uniquement au brouillon, elle n’est pas valable mathématiquement).
Comme tu le vois, ce sont les deux bases aux extrémités qui doivent être égales, et le résultat donne les deux bases du centre mais inversées… ce sera plus clair dans les vidéos


Attention ! Ce pseudo principe de Chasles s’effectue avec la notation \Huge Mat_{B,B'}(Id) car, comme vu précédemment, les bases ne sont pas dans le même ordre selon que l’on parle de la notation ou du principe du passage d’une base à une autre.

En revanche, on peut très bien comprendre le principe avec un schéma :

Et là en retrouve un vrai principe de Chasles ! (mais bien sûr mathématiquement ce n’est pas correct de dire ça, c’est juste pour comprendre^^).

Cas particulier, si on fait P -1 x P, on obtient la matrice de passage de B’ dans B’… qui est l’identité ! De même pour P x P -1. En effet :
e1 = 1e1 + 0e2 + 0e3
e2 = 0e1 + 1e2 + 0e3
e3 = 01 + 0e2 + 1e3
Ce qui est cohérent avec le fait que P x P-1 = Id (heureusement !)

On a en effet :


Sur ce même principe, on peut combiner matrice de passage et matrice d’application linéaire.

Calculs avec les matrices de passage

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On peut transformer la matrice d’une application linéaire en une autre matrice de la même application linéaire mais dans une autre base.

Voyons tout d’abord la formule de la multiplication de matrices sous forme générale (on a vu ci-dessus ce que cela donnait avec la matrice identité) :

Comme tu le vois, au niveau des bases c’est comme précédemment avec le pseudo-principe de Chasles.
L’application correspondant à la multiplication des 2 matrices sera la composée des autres applications mais en gardant le même ordre !!
Mat(f) x Mat(g) → Mat(f \circ g) et non Mat(g \circ f)

Comme f \circ Id = f et Id \circ f = f, on aura par la suite ce genre de formule :

ou

Après ce petit prélude, rentrons désormais dans le vif du sujet !
Supposons que l’on ait une application linéaire f de E dans F.
On pose :

On peut faire le schéma suivant :

Ici B1 et B’1 sont des bases de E, B2 et B’2 sont des bases de F.
On peut donc poser P la matrice de passage de B1 dans B’1 et Q la matrice de passage de B2 dans B’2 :



donc

On obtient désormais le schéma suivant :

D’après ce schéma, au lieu de faire directement B pour aller de B’1 dans B’2, on peut passer par B1 (en multipliant par P), puis par B2 (en multipliant par A) puis revenir à B’2 (en multipliant par Q-1), ce qui donne Q-1AP (et non PAQ-1… et oui, il faut inverser comme on l’a vu précédemment…)

Vérifions en calculant Q-1AP que l’on va simplifier avec le principe vu précédemment :

Si on multiplie cette égalité par Q à gauche et P-1 à droite, on obtient :

Ainsi on a pu transformer la matrice A de l’application f exprimée dans une base, à une autre matrice B de la même application mais exprimée dans une autre base, uniquement en multipliant par des matrices de passage !


Dans un tel cas, on dit que les matrices A et B sont équivalentes car elles représentent la même application linéaire mais dans des bases différentes.
Elles sont reliés par l’égalité par l’égalité B = Q-1AP ⇔ A = QBP-1, avec P et Q matrices de passage.

Mais attention !!! Ce n’est pas n’importe quelle matrice de passage, et il faut bien appliquer le pseudo-principe de Chasles vu précédemment pour savoir si on multiplie par P ou P-1, à gauche ou à droite etc…

Entraîne-toi sur plusieurs exemples c’est la meilleure solution pour ne pas te tromper le jour J !


Remarque : la plupart du temps, on aura B1 = B2 et B’1 = B’2, ce qui donnera P = Q !
On aura donc les formules :
B = P-1AP
A = PBP-1

Enfin, pour terminer la partie sur les matrices de passage, mentionnons le fait que l’on puisse, grâce aux matrices de passage, exprimer les coordonnées d’un vecteur dans une autre base.

Soit X un vecteur colonne exprimé dans une base B.
Je veux exprimer ce vecteur dans une autre base B’, on note ce nouveau vecteur X’.
Pour calculer X’, il me faut la matrice de passage de B’ vers B : MatB,B’(Id) :

De la même manière, on a évidemment :

Tout cela sera évidemment beaucoup plus simple quand tu auras fait les exercices

Exercices

Tu trouveras sur cette page tous les exercices sur les matrices.

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